Thierry Verbeke |
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Exposition PHOTO-TRAFIC 9 juin au 13 août Donatella Bernardi : Dans le cadre de la manifestation genevoise 50 JPG_06 consacrée à la photographie contemporaine, l´exposition collective PHOTO-TRAFIC questionne le rapport qu’entretiennent les artistes au flot d´images propagées par les mass media Selon le tandem organisateur, Joerg Bader et Manuella Denogent, le travail de Thierry Verbeke, artiste français, exemplifie au mieux la problématique développée sous l´égide d´un terme générique liant la photographie à son déplacement. Verbeke reconstitue, avec les moyens du bord, des images de presse reconnaissables derechef tant elles ont été reproduites. Ensuite, par l´édition d´un site internet, il singe le fonctionnement d´une agence de presse diffusant ses images via la toile. Enfin, dans l´espace d´exposition, le public pourra non seulement «down-loader» grâce à un «desk» en plexiglas lumineux baptisé FREE COPY les photographies de son choix, mais également les imprimer. Diffuser un «vrai-faux» par le biais de l´appropriation d´un document médiatisé, telle est l´une des stratégies possibles si l´on investit l´image médiatisée, parmi les plus didactiques. Ainsi, selon Bader, on «évite de trancher entre document et art, à l´instar par exemple de Bernd et Hilla Becher dans le champ de la photographie ou de Raymond Depardon dans le champ du cinéma. Ce qui importe, c´est la portée critique de la proposition.»1) Pour étayer et asseoir le propos, on a fait appel à quelques travaux historiques, jalons nécessaires et agréables à revisiter: «The Eternal Frame» (1975), du collectif d´architectes californien Ant Farm, ou les affiches de l´activiste anti-nucléaire Peter Kennard datant des années 1980. Grand connaisseur de la manipulation des photographies historiques, Ernst Mitzka, plutôt que de récréer et rejouer l´image de presse, a choisi de l´évider, l´amputer, l´opérer par un coup de scalpel, en l´occurrence la chirurgie du cuter à même le négatif. Loin des transformations digitales exploitées par ses collègues cadets, Bjørn Melhus ou Ute Lindner & Patrick Huber, Mitzka supprime radicalement le principal intéressé de la composition, qu´il soit islamiste, Hitler, un grand chef coréen ou un président américain, créant déséquilibre, absurdité et mise à nu d´un dispositif aux couleurs souvent saturées. On est loin de la «grisaille» des antiques qui intéressa tant Aby Warburg et qui, selon Michael Diers, peut caractériser la photo de presse, à savoir ce «détachement psychologique, émotionnel, mental, et rationnel» obtenu par une image de qualité monochromatique, grise ou brune 2). L´orientation de PHOTO-TRAFIC est pop, presque criarde, peut-être cynique, voir sarcastique, quasi eschatologique? Sur le «Tapis volant» (2002-2003) de Wang Du, dont la taille est digne d´un Gulliver (102 m2) ou d´un Oldenburg amplifié, est tissé en une facture hyperréaliste la couverture de la revue Times consacrée à la navette Columbia qui s´est désintégrée en plein vol. Christoph Draeger développe lui un goût pour les puzzles et l´iconographie des catastrophes, qu´elles soient de nature criminelle ou terroriste, naturelle ou humaine. L´une de ses images fragmentées sera monumentalisée sous la forme d´un billboard d´autoroute étasunien. Warhol avait choisi la sérigraphie pour démultiplier ses «Fives Deaths» écrasés par une voiture renversée (1963), ou son «Suicide» (1963) par défenestration. Cette technique lui permettait, outre une multiplication mécanique de l´image de presse extraite de son contexte, une délégation de la tâche à l´un de ses assistants. Si l´économie du travail était un critère d´évaluation artistique, il faudrait évoquer en premier lieu les démarches de Sean Schyder et Joachim Schmid, collectionneurs d´images fabriquées par d´autres. Le premier s´intéresse à celles que des soldats en Irak envoient via le web à leurs proches. «All images were sourced online between December 2003 and October 2005 from amateur digital photography posting-sites». Sans que ces photographies ne soient spectaculaires, «elles sont 0 au niveau d´une actualité ou d´événements sanguinaires», ces clichés d´amateurs dressent un «paysage ´backstage´ de cette guerre», commente Manuella Denogent. C´est bêtement son propre son fusil que le soldat photographie, le ciel, ou une cuisine de fortune. Des regards dubitatifs et errants qui n´intéressent pas les agences de presse, mais certainement le public de l´art contemporain. Serait-on face à un exemple parfait de «post-journalisme», comme le nomme Serge Wolkonsky? Sa formule «Leica vs Nokia» vise un métier qui tend à disparaître, celui du photo-reporter héroïque et de son matériel de captation digne d´un armement militaire lourd et encombrant. «Sur le marché du post-journalisme, l´appareil photo-téléphone est l´outil quelconque qui bouleverse les usages et annule subitement les normes en vigueur. C´est le règne de l´image sans qualité.»3 En adéquation avec celui de la «soft target». S´éloignant des champs de bataille mais titillant le hors-champ, cette dimension si chère à la théorie de l´image contemporaine, Joachim Schmid endosse le rôle du pornographe désabusé. En recourant à sa carte de crédit, il demande de temps à autre aux femmes qui s´offrent sur la toile contre rémunération à sortir du champ de la webcam. Alors qu´elles s´exécutent, il télécharge une vue de leur lieu de travail, un coin de lit, une couverture en simili léopard, une lampe de chevet. Des photos de décoration d´intérieur de fortune, entre le détournement d´un service et l´auto-arnaque. En fin de compte, pour Joerg Bader, la notion «d´information-désinformation» reste centrale pour qui traite de photographie aujourd´hui. 1) «Éditorial», Photo & texte, Informer fatigue, Numéro 1, École supérieure d´art de Perpignan, Centre de la photographie Genève, septembre 2005, p. 1 Les 50 JPG_06 et PHOTO-TRAFIC marqueront l´inauguration de la programmation artistique du Bac dans sa phase transitoire avant travaux. Le Bac regroupera dans le bâtiment actuel du Centre d´art contemporain (Cac) du Mamco, le Centre d´édition contemporaine (Cec), le Centre pour l´image contemporaine, Saint-Gervais (Cic) et le Centre de la photographie Genève (Cpg). PHOTO-TRAFIC, du 8 juin au 13 août 2006. Expositions collectives au Cac et au Bac, une autre, monographique, consacrée au travail de Marco Poloni au Cpg. Colloque à l´École supérieure des beaux-arts, le 9 juin, incluant la participation de Hubertus v. Amelunxen, Daniel Kurjakovic ou Jordi Vidal. Rens. Cpg, 16 rue Général Dufour, 1204 Genève. T/F +41 22 329 28 35, cpg@centrephotogeneve.ch © 1998 - 2007 by Kunst-Bulletin Schweiz [ www.kunstbulletin.ch ] . |
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